Chronique de Josiane Aubert : Selon que vous serez puissant ou misérable…

Le 21 octobre, on apprenait que les contribuables du canton de Berne ont « rapatrié » 3 milliards de francs de biens et de revenus, déclarés « spontanément » dans le cadre de l’amnistie fiscale proposée simultanément à l’introduction de l’échange automatique d’informations avec l’étranger: ces braves bernois-là avaient dissimulé ces sommes au fisc en les stockant incognito à l’étranger…

Les discussions parlementaires autour du maintien du secret bancaire en Suisse sont toujours épiques: les parlementaires de droite proclament, la main sur le cœur: « la Suisse est bâtie sur la confiance entre l’Etat et sa population, on ne peut violer ce principe par une transparence financière ! »   L’énergie de ces parlementaires est très grande pour éviter toute tentative de meilleur contrôle des contribuables par des règles plus strictes.

Dans ce principe, l’inégalité de traitement entre les personnes salariées, dont tous les revenus sont transparents et connus du fisc et les personnes plus aisées et fortunées, est flagrante. Je ne me risquerai pas à faire quelques règles de trois à la lumière des 3 milliards revenus à la surface dans le canton de Berne pour estimer combien de milliards passent sous le radar du fisc sur l’ensemble des contribuables suisses … Je vous les laisse imaginer.

Ce qui a toujours eu le don de m’agacer au plus haut point, lorsque je siégeais à Berne, c’est d’observer la virulence avec laquelle les mêmes parlementaires de droite interviennent pour contrôler les bénéficiaires des assurances sociales et traquer les fraudeurs, même en égratignant la protection de la sphère privée. Cette même vie privée a-t-elle à leurs yeux moins de valeur chez une personne pauvre que chez la personne fortunée qui pourrait devoir payer tout ce qu’elle doit à l’Etat en fonction de sa fortune et de ses revenus ?

Ceci me choque et m’incite, pour préserver les droits fondamentaux de toutes et tous, à refuser le 25 novembre la loi révisée sur la surveillance des assurés qui va trop loin dans l’intrusion privée des plus fragiles de la société.

« Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir »

disait au XVIIe siècle Jean de La Fontaine dans sa fable « les animaux malades de la peste »

Josiane Aubert, ancienne Conseillère nationale

Chronique de Josiane Aubert : Egalité, la Suisse des petits pas

Notre pays est le champion de la lenteur dans l’évolution des progrès sociétaux; prenons la marche vers l’égalité entre femmes et hommes. Les suissesses ont été les dernières européennes à obtenir le droit de vote en 1971, et la lutte pour obtenir un congé maternité de 14 semaines a duré 56 ans…

Les prochains pas sont à l’horizon. La session des Chambres a empoigné quelques objets intéressants à cet égard: le renouvellement pour quatre ans du crédit fédéral pour l’encouragement à la création de crèches et garderies a passé la rampe de justesse. Sous la pression de l’initiative de « Travail Suisse », la nécessité d’un congé paternité a enfin été reconnue; il faudra encore s’entendre sur sa durée. 2 ou 4 semaines ? C’est bien maigre face aux pays qui nous entourent… mais ce sera un premier pas qu’il faudra engranger !

La réforme de la fiscalité des entreprises a passé la rampe des deux Chambres et sera introduite avec une compensation sociale non négligeable  par un financement complémentaire de l’AVS; ce compromis n’est pas idéal, mais il permet de repousser le spectre d’augmenter l’âge de la retraite des femmes; une telle augmentation serait très problématique aussi longtemps que l’égalité salariale n’est pas atteinte ; de plus, les femmes travaillent souvent à temps partiel, sont moins bien payées, elles touchent donc une retraite du 2ème pilier plus faible que les hommes, elles ne doivent pas encore payer ces injustices en travaillant un an de plus ! Le « paquet » qui lie fiscalité des entreprises et AVS, même imparfait, évite aussi une trop forte augmentation de la TVA pour financer l’AVS. Ce compromis typiquement helvétique vaut la peine d’être soutenu, c’est un petit pas dans la bonne direction.

Les Chambres sont aussi en passe d’exiger des entreprises de plus de 100 employés qu’elles prouvent l’égalité salariale qu’elles appliquent ; insuffisant, mais bon début.

Le Canton de Vaud a décidé de donner lui aussi un coup de pouce concret à l’égalité salariale par plusieurs mesures, dont celle de comptabiliser les années de garde des enfants dans le cursus professionnel des femmes pour fixer leur salaire initial à l’engagement. Une bonne manière de montrer la valeur mise à cette tâche éducative si importante pour l’ensemble de la société sans pénaliser ceux qui l’accomplissent. Restera à convaincre plus d’hommes de travailler eux aussi à temps partiel lorsque les enfants sont petits. Ce sera une façon efficace d’arriver à l’égalité salariale, car les employeurs ne pourront plus prétendre que l’arrivée d’un enfant pénalise la femme dans sa carrière !

Il vaut la peine d’engranger chaque petit pas vers l’égalité, c’est la seule méthode pour avancer dans le pays des helvètes !

Josiane Aubert, ancienne conseillère nationale

Chronique de Josiane Aubert : Contradictions…

Le front anti-éolien fait à nouveau entendre sa voix, au nom de la sauvegarde du paysage. La composition hétéroclite de l’aréopage apparu sur les crêtes du Creux du Van cette semaine laisse songeur…

  • Des membres du parti nationaliste, luttent pour « une Suisse indépendante et neutre », antieuropéens convaincus. Ils défendent la Suisse telle qu’ils la connaissaient de leur enfance vers les années 1950, en refusant de voir qu’elle a évolué. Sous la Coupole fédérale, leurs acolytes sont les premiers à applaudir toute dérégulation des marchés qui favorise la. Ils préfèrent que la Suisse reste largement dépendante de l’énergie produite à l’étranger, achetée en Europe, en Russie, au Moyen Orient à de grands consortiums.  Contradiction…
  • Certains écolos pure souche, appellent à acheter local, à se nourrir des paniers bio achetés chez le paysan du coin, prônent la décroissance, et se battent pour la préservation de l’environnement. Si j’ai beaucoup plus de sympathie pour ces idées, je ne comprends pas leur attitude face à la production régionale d’énergie renouvelable, en mains des communautés locales suisses. Contradiction…

La politique énergétique 2050, largement acceptée par la population en mai 2017, est un signal fort pour développer, dans les trente prochaines années, une production indigène d’énergies renouvelables diverses et complémentaires. Ce mouvement s’inscrit dans la vision d’une Suisse en grande partie indépendante du marché international, ou pour le moins qui détient de bonnes cartes en mains. Cela devrait plaire aux nationalistes.

Cette production décentralisée d’énergie, qui s’appuie fortement sur les entités locales, proches des populations, est une révolution ; elle redonne en partie à ces communautés la maîtrise de leur destin énergétique. La population des communes concernées a confirmé le soutien démocratique. Ceci va dans le sens préconisé par les mouvements écologiques un peu partout sur la planète : agir démocratiquement, « penser global, agir local »

L’avenir des jeunes générations me tient particulièrement à cœur ; en pensant à eux je soutiens cette évolution vers les énergies douces ; si les éoliennes marquent le paysage, c’est d’une manière temporaire et réversible ; leur démantèlement est déjà pris en compte dans les projets, contrairement à d’autres sources telles le nucléaire ou l’hydraulique; bâtissons un futur renouvelable, sur lequel les jeunes auront prise.

Josiane Aubert,
                                                                    ancienne conseillère nationale

 

Chronique de Josiane Aubert : De quels abus parle-t-on ?

Les Jeux paralympiques d’hiver 2018 se sont déroulés du 9 au 18 mars, simultanément à la session de printemps des Chambres fédérales. Le public suisse a fait connaissance du jeune valaisan Théo Gmür, triple médaillé d’or dans les disciplines de ski alpin. Son courage, sa ténacité, son bonheur après les épreuves forcent l’admiration.

Dans le même temps, sous la Coupole du Palais fédéral, il s’est trouvé une majorité de parlementaires pour couper dans les prestations complémentaires qui permettent aux handicapés de ce pays, aux personnes les plus faibles, de mener une vie digne, malgré le combat quotidien qu’elles mènent dans des conditions difficiles…

Comme si cela ne suffisait pas, les mêmes chambres fédérales ont mis en place un système de surveillance par détectives privés et autres drones pour débusquer les éventuels fraudeurs à l’assurance invalidité, au mépris de la vie privée de ces personnes.  Si des contrôles sont nécessaires pour garantir une utilisation judicieuse et adéquate des assurances sociales payées par les contribuables sur le principe de la solidarité, est-il nécessaire de mettre en place une « chasse aux sorcières » qui, insidieusement, donne l’impression que les bénéficiaires sont tous des profiteurs ?   Ce climat est hautement désagréable et malsain à mes yeux, car la grande partie des personnes qui dépendent de l’assurance invalidité sont honnêtes et vivent de manière très modeste.

Il est curieux et même révoltant de voir que les mêmes groupes politiques qui entreprennent de lutter avec vigueur contre les abus des plus faibles, refusent avec férocité tout contrôle fiscal supplémentaire et se battent pour sauvegarder le secret bancaire interne, sous prétexte que les citoyens fortunés sont honnêtes  par essence et doivent bénéficier d’une confiance aveugle de la part de l’Etat… Cette attitude du  « deux poids, deux mesures » est difficilement supportable et nuit à terme à la cohésion sociale.

Notre société développe une certaine tendance à évoluer vers le « chacun pour soi » ;   notre système économique est ainsi fait que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres.  Le rôle de l’Etat est de contrebalancer ce déséquilibre et de permettre à chacune et chacun de vivre dans la dignité. Si chaque habitant de ce pays se sent intégré, respecté et peut trouver sa place dans la société, la cohésion sociale indispensable à l’épanouissement de l’être humain et à la stabilité de la société est assurée, pour le bénéfice de tous. A l’opposé, si les plus faibles sont laissés pour compte et si les inégalités se creusent, la société court à la ruine, à l’instabilité, à la violence.

Josiane Aubert, ancienne conseillère nationale, la Vallée