J’aime mon pays, je voterai non !

Invoquant l’application d’une décision populaire, l’initiative de mise en oeuvre de l’UDC va encore plus loin que l’initiative sur le renvoi. L’initiative court-circuite notre Etat de droit et viole les droits fondamentaux. Elle est un acharnement indigne de la Suisse et elle n’est pas nécessaire, du fait de la loi d’application adoptée par le Parlement et entrera en vigueur en juin si l’initiative est refusée le 28 février.

L’automatisme préconisé par cette initiative est méprisant à l’égard de la personne humaine et introduit des inégalités de traitements entre personnes qui vivent ensemble depuis leur naissance et ont suivi les mêmes écoles, les mêmes apprentissages. A quel moment devient-on un criminel? La récidive de délits mineurs, par exemple aux règles de la circulation ou à l’ordre public pourrait, selon l’initiative, être assimilée à un crime et entraîner l’expulsion automatique, sans jugement personnalisé. Les personnes sans passeport suisse devraient être expulsées automatiquement et sans égard aux circonstances, même en cas de délit mineur, même si elles sont nées ou ont grandi en Suisse. Les «secondos» et les «secondas» seraient ainsi concerné-e-s au premier chef. La législation de mise en oeuvre décidée au Parlement à propos de l’initiative sur le renvoi prévoit une clause de rigueur pour de tels cas, c’est-à-dire que les juges tiennent compte dans leur jugement des circonstances. C’est précisément celle-ci que l’initiative de mise en oeuvre rejette.

Cette initiative est une tromperie perfide:

La dénomination «initiative de mise en oeuvre» suggère que l’on doit favoriser l’entrée en vigueur de quelque chose qui a été décidé il y a longtemps. On a ici affaire à une tromperie, parce que l’initiative de mise en oeuvre et le catalogue de délits correspondant vont bien au-delà de ce qu’avait décidé une courte majorité avec l’acceptation de l’initiative sur le renvoi. L’initiative ne met pas en oeuvre l’initiative sur le renvoi; elle la durcit considérablement en court-circuitant le travail du Parlement qui a fait loi d’application. C’est un jeu dangereux qui met en péril notre Etat de droit. La norme constitutionnelle proposée bafoue les droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). En se substituant au législateur et en privant les tribunaux de toute latitude de jugement et de marge d’appréciation, le texte de l’initiative viole le principe de la séparation des pouvoirs. L’acceptation de l’initiative constituerait une grave rupture du système et aurait des conséquences imprévisibles pour l’ordre juridique, la sécurité juridique et notre système politique.

Depuis l’acceptation de l’initiative sur le renvoi, la pratique en matière d’expulsions a été durcie et deviendra même encore plus sévère l’été prochain avec l’entrée en vigueur de la loi de mise en oeuvre. Le Parlement honore ainsi les demandes principales de l’initiative sur le renvoi dans les délais. Lorsqu’une loi de mise en oeuvre ne plaît pas, on peut lancer un référendum contre celle-ci. L’UDC ne l’a pas fait. Au lieu de respecter les règles du jeu de notre démocratie, elle mise avec son initiative sur un acharnement inutile et indigne.

Ce n’est pas cette Suisse-là que je souhaite défendre. Je voterai NON à cette initiative.

Josiane Aubert, ancienne conseillère nationale