Formation de rattrapage pour adultes : activons ce potentiel, nous serons tous gagnants !

Travail.Suisse a depuis quelques années attiré l’attention sur les personnes adultes sans formation professionnelle, en affirmant que leur intégration dans une formation entre 25 et 40 ans est, pour nombre d’entre eux, une possibilité mal exploitée.  Depuis trois ans, nous disposons de plus de places d’apprentissage que d’apprentis ; ce constat, associé à la votation du 9 février limitant l’immigration, doit induire un changement de paradigme au niveau politique.  Il est possible d’intégrer mieux et durablement une partie de ces adultes dans la vie professionnelle par des formations de rattrapage adaptées à ce public particulier. C’est dans l’intérêt des personnes concernées qui seront autonomes professionnellement et financièrement ; c’est aussi dans l’intérêt de l’économie, qui bénéficiera d’une main d’œuvre qualifiée, et de l’Etat qui verra à terme ses dépenses sociales diminuer.

En Suisse, plus de 600’000 personnes entre 25 et 64 ans sont sans formation professionnelle.  Cela représente 13 % de la population.  Parmi elles, 463’000 travaillent.  Les femmes, les migrantes et migrants sont proportionnellement plus présents dans ce groupe.

Il existe un grand potentiel dans la formation professionnelle pour adultes.

L’étude présentée par Travail.Suisse en 2012 mettait en évidence que 50’000 personnes avaient pour le moins un fort potentiel d’acquérir une formation professionnelle, pour autant que des conditions favorables soient mises en place.  D’autres évaluations parlent même de 85’000 à 93’000 personnes potentiellement concernées. L’étude de 2012 a mis en évidence que chaque personne amenée à une certification professionnelle (CFC, AFP) permet à la société d’économiser dans les années qui suivent entre 100’000 à 200’000.- fr d’aides sociales et complémentaires diverses.  Une meilleure formation leur permet de gagner mieux leur vie, de diminuer le risque de chômage par une adaptation meilleure et une plus grande adaptabilité face au travail professionnel.

La loi sur la formation professionnelle : un pas timide dans la bonne direction

Les Chambres mettent la dernière main à la loi sur la formation continue.  Cette loi-cadre n’est pas très ambitieuse… Mais elle aura le mérite de prendre mieux en compte la nécessaire formation de groupes de population actuellement éloignés de la formation, donc à plus forte raison de la formation continue. D’une part, la section 5 de la loi traite de l’acquisition et du maintien des compétences de base que sont la lecture, l’écriture, les mathématiques élémentaires et les rudiments des moyens de communication actuels.  Elle permettra de lutter avec plus de détermination contre l’illettrisme au sens large du terme, et d’entreprendre des campagnes de sensibilisation pour sortir ces personnes de leur souffrance. C’est aussi le premier pas vers une formation professionnelle ultérieure. D’autre part, cette loi-cadre doit permettre de faire tomber certaines barrières en instituant une meilleure coordination interinstitutionnelle, entre les différents départements et entre cantons et Confédération.  Si la chance est saisie par les personnes politiques en place, une réelle coordination fera émerger les expériences nombreuses mais disparates existant ici et là.

Un exemple vaudois :

FORJAD donne naissance à FORMAD ou comment sortir des adultes de l’aide sociale par la formation (extrait du CP du Conseil d’Etat de décembre 2013)

Le Conseil d’Etat a voté l’octroi d’un crédit de 5,5 mios répartis sur cinq ans pour la mise en place d’un projet pilote destiné à l’insertion des bénéficiaires de l’aide sociale âgés de 26 à 40 ans, via une formation professionnelle (FORMAD). Il concernera 150 personnes et un bilan sera mené au terme des cinq ans du projet pilote. Le Conseil d’Etat a également adopté une modification du Règlement d’application de la loi sur l’aide aux études et à la formation professionnelle.

Au vu des bons résultats obtenus avec le programme de formation professionnelle FORJAD lancé en 2006 et destiné aux bénéficiaires du revenu d’insertion âgés de 18 à 25 ans, le Conseil d’Etat a décidé de lancer un projet pilote qui étendra le programme de formation professionnelle aux personnes âgées de 26 à 40 ans. Elles pourront entreprendre des formations longues (type CFC ou AFP), des formations professionnelles continues ou un programme de validation des acquis de l’expérience, en bénéficiant d’un accompagnement personnalisé. La phase pilote du projet concerne une volée de 150 personnes. Un bilan sur l’efficacité du dispositif sera mené au terme des cinq ans, durant lesquels seront examinées les possibilités d’un financement propre en cas de pérennisation. A cet effet, le DSAS, le DECS et le DFJC sont chargés d’examiner comment recourir davantage aux allocations de formation de l’assurance chômage.

Depuis le lancement de FORJAD et jusqu’en septembre 2012, 1727 jeunes ont entamé une formation par le biais du programme et 397 ont obtenu un diplôme. Le taux de réussite du programme dans son ensemble s’élève à 66% (obtention du diplôme et poursuite de la formation). Ces résultats ont permis au programme FORJAD d’être reconnu comme un modèle performant. Six ans de pratique ont mis en évidence la situation des personnes âgées de 26 à 40 ans, bénéficiaires de l’aide sociale et sans formation initiale achevée, représentant 56% des adultes inscrits au RI. Bien qu’une partie d’entre eux soient actuellement intégrés dans le programme FORJAD par voie d’exception (78 personnes en formation en septembre 2012 et 139 depuis 2006), leurs besoins s’avèrent généralement différents de ceux des 18-25 ans, notamment la nécessité d’un soutien plus conséquent pour le choix de la formation ainsi que dans le processus d’apprentissage. FORMAD permettra de prendre en compte ces besoins spécifiques, afin de permettre aux personnes concernées de s’intégrer sur le marché du travail et ainsi retrouver une indépendance financière durable.

Josiane Aubert, conseillère nationale, vice-présidente de Travail Suisse